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Médecine régénérative : la reprogrammation des cellules grâce aux vitamines A et C
Marie-Céline Jacquier
Futura Science
Les vitamines A et C ne sont pas uniquement bonnes pour votre santé, elles agissent aussi sur l’ADN en effaçant des marques épigénétiques. Cette découverte permettrait de faire perdre leur identité à des cellules, afin de les utiliser en médecine régénérative comme cellules pluripotentes.
En médecine régénérative, les scientifiques tentent d’obtenir des cellules capables de produire n’importe quel type cellulaire : neurones, cellules de peau, de cœur, de poumon… De telles cellules souches existent dans l’embryon. Mais, pour traiter quelqu’un en utilisant la médecine régénérative et régénérer des organes, il faut forcer des cellules adultes du patient a « revenir en arrière » pour qu’elles retrouvent les capacités d’une cellule embryonnaire.
Au niveau génétique, l’identité d’une cellule se met en place grâce a des changements épigénétiques : ces modifications ne touchent pas a la séquence des lettres de l’ADN, mais elles influencent les parties pouvant être lues. Chaque type cellulaire possède des caractéristiques épigénétiques qui font que certains gènes seront exprimés plutôt que d’autres. Pour que la cellule redevienne pluripotente, il faut qu’elle perde cette identité.
Une modification épigénétique bien connue est la méthylation des cytosines, des bases nucléotidiques symbolisés par la lettre C. Dans les cellules souches embryonnaires dites « naïves », il y a peu de méthylation des cytosines : moins de 30 % des dinucléotides CpG possèdent ce marquage. Mais une fois que les cellules sont différenciées en types cellulaires, le génome est beaucoup plus marque par des méthylations : 70 a 80 % des dinucléotides CpG sont méthylés dans des lignées cellulaires différenciées.
Des cellules oublient leur passé avec les vitamines A et C. Des chercheurs internationaux publient dans Pnas un article dans lequel ils montrent comment les vitamines A et C peuvent effacer les marques épigénétiques du génome des cellules. Ils se sont intéressés a la méthylation des cytosines de l’ADN : en enlevant ces marques sur les cytosines, c’est-a-dire en effectuant une déméthylation, il pourrait être possible de revenir a un état pluripotent.
Des enzymes appelés TET, pour ten-eleven translocation enzymes, sont capables d’enlever ces méthylations : elles jouent donc un rôle dans l’effacement de la mémoire cellulaire. Ces enzymes ont besoin d’ions Fe2+ pour leur activité. Les chercheurs ont trouvé que la vitamine A favorise l’effacement de la mémoire dans des cellules souches embryonnaires en augmentant les quantités d’enzymes TET. La vitamine C agit différemment : elle favorise l’activité des enzymes TET en agissant sur le fer cellulaire, permettant une meilleure activité de l’enzyme.
Les vitamines A (rétinol ou acide rétinoïque) et C (acide ascorbique) sont des molécules chimiquement bien différentes, mais qui agissent en synergie, par des mécanismes complémentaires, pour diminuer la méthylation de I’ADN. Elles pourraient ainsi permettre aux cellules de redevenir pluripotentes.
Pour Wolf Reik, un des auteurs de cet article, cette recherche apporte de nouvelles connaissances « afin de faire progresser le développement de traitements de cellules pour la médecine régénérative ». Ces travaux peuvent aussi avoir des implications dans le traitement du cancer, car l’enzyme TET2 est un suppresseur de tumeur. Elle est parfois mutée dans des cancers du sang.